Malgré la crise du Covid-19 et ses répercussions, la France n’a cessé d’annoncer différents projets écologiques ces dernières deux années. De la transformation des Champs Élysées en un « jardin extraordinaire » à la fin des emballages plastiques pour certains fruits et légumes, elle n’a pas imité d’autres pays européens et pris la pandémie comme excuse pour relâcher ses efforts pour un futur plus vert. Mais que se cache-t-il derrière ces plans prometteurs ? Et comment reflètent-ils le paysage politique contemporain ?

Changer la consommation, c’est changer le monde

En ce qui concerne l’abolition du plastique, la France garde une longueur d’avance. Selon la directive européenne « Single-use Plastics (SUPS) », la production de plastique à usage unique est interdite dans l’Union européenne depuis le 3 juillet 2021. Élève modèle de l’UE, la France l’avait déjà proscrite pour la plupart des types de plastique depuis 2020. Dans les supermarchés, les sacs de caisse à usage unique le sont déjà depuis 2016. De plus, un décret d’octobre 2021 a spécifié qu’il n’y aura plus d’emballage plastique pour une large gamme de fruits et légumes à partir de janvier 2022, permettant aux consommateurs d’être libérés de la responsabilité de choisir entre poireaux et kiwis emballés ou en vrac. D’ici 2026, tous les fruits et légumes seront concernés – même ceux qui se détériorent facilement, comme les framboises ou les fraises. S’ils suivent ce chemin, d’autres pays européens pourraient donc stimuler l’innovation dans le secteur agroalimentaire.

L’année 2021 a aussi introduit les premières mesures de la loi anti-gaspillage, promulguée le 10 février 2020. L’une de ces mesures vise au cœur des habitudes d’achat des Français : encourager l’achat en vrac en obligeant tous les commerces à l’accepter et en encourageant les vendeurs de boissons à mettre en place des tarifs réduits pour les clients qui apportent leurs propres récipients. En effet, le vrac avait déjà trouvé sa place au sein de la société avant l’entrée en vigueur de cette loi. Aujourd’hui, plus d’un tiers des Français s’y sont mis, ce qui s’est traduit par une croissance remarquable du nombre d’épiceries qui vendent en vrac. « En 2015, on comptait une vingtaine d’épiceries vrac, il y en a désormais 700 » se réjouit Célia Rennesson, directrice de l’association Réseau Vrac, l’organisation qui était aussi responsable de l’introduction officielle de l’achat en vrac dans la loi française.

Un changement durable des habitudes est l’une des pistes les plus importantes afin de protéger l’environnement. Il convient ici de souligner deux branches de nos vies quotidiennes en particulier : l’alimentation et le transport. En effet, les voitures sont elles aussi au centre de la politique climatique du gouvernement. La France est l’un des rares pays au monde déterminés à bannir les voitures à moteur à combustion interne de ses routes. Dès 2040, seule la vente ou l’immatriculation de nouveaux véhicules électriques à batterie (VEB) et véhicules électriques à pile à combustible (VPC) sera permise.

En ce qui concerne la transformation du paysage urbain, l’année 2024 sera une année particulière pour les Parisiens. L’année où la capitale accueillera les Jeux olympiques d’été, sa plus célèbre avenue aura été entièrement transformée en un « jardin extraordinaire », selon les mots de la maire Anne Hidalgo. La transformation de 250 millions d’euros devrait augmenter l’espace dédié aux citoyens et aux transports non-motorisés ainsi qu’entraîner une amélioration de la qualité de l’air ambiant.

En effet, créer des espaces verts a toujours été de haute importance pour la maire socialiste, qui a introduit une journée sans voiture par an en 2015. En moyenne, cette initiative réduit de 7% la concentration de polluants par rapport aux autres dimanches. La septième édition s’est déroulée le 19 septembre, cette fois baptisée « Journée Paris Respire ». D’ailleurs, cette dénomination est un bon exemple d’un passage d’une connotation négative – l’interdiction des voitures – à une connotation positive qui s’appuie sur l’idée que réduire les émissions est relié à une amélioration de la vie urbaine, et non à des sacrifices.

Anne Hidalgo a progressivement introduit des mesures dites « vertes » pendant son premier mandat de 2014 à 2020. En 2020, elle est arrivée aux municipales avec la vision d’une ville « 100 % vélo » – et est sortie gagnante. Cependant, ce succès était largement dû au soutien de l’EELV, le parti Europe-Écologie-Les-Verts issu de la fusion des Verts avec le mouvement Europe Écologie en 2012.

« L’ambition climatique ne doit pas être en réaction à quelque cycle électoral que ce soit »

Les municipales de juin 2020 ont déclenché une véritable vague verte. De fait, L’EELV a remporté une trentaine de villes, dont Bordeaux, Lyon et Strasbourg. La force de cette vague a contraint le président Emmanuel Macron, dont le parti La République en Marche avait subi des pertes considérables, à réagir.

Ainsi, le lundi suivant les élections, il a déclaré que l’ambition climatique était une « nécessité pour l’humanité » et ne devait pas « être en réaction à quelque cycle électoral que ce soit ». Même si cette réaction donne l’espoir que le climat soit perçu comme il le devrait – comme un défi pour toutes et tous peu importe le parti politique – son avertissement de ne pas « tirer des conséquences excessives des scrutins locaux » montre qu’il ne peut pas échapper lui-même aux limitations politiques, alors même qu’elles restreignent sa marge de manœuvre tout autant. En effet, sa promesse d’introduire un objectif écologique dans la constitution a échoué faute d’accord avec la droite au Sénat. Cependant, ses efforts ne dépassent que rarement une certaine valeur symbolique. Par conséquent, en juillet 2021, un ultimatum de neuf mois lancé par le Conseil d’État l’a forcé à mettre en place des mesures plus efficaces de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Revenons à EELV, la vague verte se sera peut-être déjà aplatie lors des prochaines élections municipales en 2026. Néanmoins, par sa capacité de mobilisation, le parti devrait rendre les élections présidentielles d’avril 2022 plus imprévisibles. Yannick Jadot a été désigné candidat d’EELV à l’issue d’un coude-à-coude passionnant avec son adversaire plus radicale, Sandrine Rousseau. Désormais, il a tout intérêt à se préparer au prochain tête-à-tête puisque Anne Hidalgo sera également candidate, avec un programme comportant des priorités écologiques similaires.

L’écologie : une responsabilité collective

L’argument selon lequel de grands changements doivent être mis en place par ceux « d’en haut » est en train d’être testé en France. Tandis que le rôle des consommateurs dans la transition écologique ne devrait pas être sous-estimé, il n’y a aucune raison de penser que les Français sont plus enclins à protéger l’environnement que les Allemands, par exemple. Un mode de vie plus durable n’est ni une question culturelle, ni une question politique – mais avec des lois simples et rapides, telles que l’interdiction des sacs en plastique, les citoyens peuvent être guidés de manière plus efficace.

En France, le développement durable est abordé par de nombreux partis. Les politiciens, les associations et les consommateurs : tous apportent leur contribution. La France n’est toutefois pas un parfait exemple et il est loin d’être certain qu’elle sera gouvernée par un candidat Vert dès l’année prochaine. Cependant, deux leçons peuvent être tirées d’elle, en Europe et ailleurs : premièrement, il faut du courage et des grandes idées pour changer le statu quo et, deuxièmement, nos habitudes de consommation ne sont pas innées mais peuvent être modifiées.

Written by Andrea Gutschi; Edited by Henri Gasquet; Photo Credit to 625Bilder, Pixabay